“ Il agit même plus qu’un vivant parce que, la véritable réalité n’étant dégagée que par l’esprit, étant l’objet d’une opération spirituelle, nous ne connaissons vraiment que ce que nous sommes obligés de recréer par la pensée, ce que nous cache la vie de tous les jours... Enfin dans ce culte du regret pour nos morts, nous vouons une idolâtrie à ce qu’ils ont aimé. ”
Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe (1921). copier la citation
Auteur | Marcel Proust |
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Œuvre | Sodome et Gomorrhe |
Thème | réalité idolâtrie |
Date | 1921 |
Langue | Français |
Référence | |
Note | |
Lien web | https://fr.wikisource.org/wiki/Sodome_et_Gomorrhe/Texte_entier |
Contexte
“Une fois qu’elle est morte, nous aurions scrupule à être autre, nous n’admirons plus que ce qu’elle était, ce que nous étions déjà, mais mêlé à autre chose, et ce que nous allons être désormais uniquement. C’est dans ce sens-là (et non dans celui si vague, si faux où on l’entend généralement) qu’on peut dire que la mort n’est pas inutile, que le mort continue à agir sur nous. Il agit même plus qu’un vivant parce que, la véritable réalité n’étant dégagée que par l’esprit, étant l’objet d’une opération spirituelle, nous ne connaissons vraiment que ce que nous sommes obligés de recréer par la pensée, ce que nous cache la vie de tous les jours... Enfin dans ce culte du regret pour nos morts, nous vouons une idolâtrie à ce qu’ils ont aimé. Non seulement ma mère ne pouvait se séparer du sac de ma grand’mère, devenu plus précieux que s’il eût été de saphirs et de diamants, de son manchon, de tous ces vêtements qui accentuaient encore la ressemblance d’aspect entre elles deux, mais même des volumes de Mme de Sévigné que ma grand’mère avait toujours avec elle, exemplaires que ma mère n’eût pas changés contre le manuscrit même des lettres.”
source