“ Si nous avions une vision nette de tout ce qui se passe dans chaque vie humaine, ce serait comme d'avoir des sens assez aiguisés pour entendre pousser les brins d'herbe et battre le cœur de l'écureuil ; et nous succomberions sans doute en surprenant ces bruits d'au delà du silence. ”
George Eliot, Middlemarch (1872). copier la citation
Auteur | George Eliot |
---|---|
Œuvre | Middlemarch |
Thème | perception détails |
Date | 1872 |
Langue | Français |
Référence | |
Note | |
Lien web | https://fr.wikisource.org/wiki/Middlemarch |
Contexte
“Il n'est pas exceptionnel d'éprouver quelque découragement ou quelque défaillance de cœur, en découvrant quel est l'avenir réel qui prend la place de notre avenir imaginaire, et nous ne nous attendons pas que l'on s'émeuve profondément de ce qui n'est pas exceptionnel.
Nos cœurs ne s'affectent plus des malheurs trop communs, et c'est un bien, car peut-être seraient-ils incapables de les supporter. Si nous avions une vision nette de tout ce qui se passe dans chaque vie humaine, ce serait comme d'avoir des sens assez aiguisés pour entendre pousser les brins d'herbe et battre le cœur de l'écureuil ; et nous succomberions sans doute en surprenant ces bruits d'au delà du silence. Tous tant que nous sommes, même les plus subtils, nous portons dans notre promenade à travers le monde comme un épais matelas sur nos esprits obtus.
Cependant Dorothée pleurait, et, si elle avait dû en expliquer la cause, elle n'eût pu trouver, pour le faire, que des paroles vagues et générales comme les miennes : en donner une explication plus précise et plus directe eût été pour elle aussi difficile qu'il nous le serait de faire une histoire des ombres et des lumières ; car l'avenir réel qui remplaçait pour elle l'avenir imaginaire puisait sa substance même dans les mille petites particularités qui venaient discrètement influencer toutes ses idées sur M. Casaubon et sur ses rapports d'épouse avec lui, les éloignant peu à peu de ce qu'elles avaient été dans son rêve de jeune fille.” source
Nos cœurs ne s'affectent plus des malheurs trop communs, et c'est un bien, car peut-être seraient-ils incapables de les supporter. Si nous avions une vision nette de tout ce qui se passe dans chaque vie humaine, ce serait comme d'avoir des sens assez aiguisés pour entendre pousser les brins d'herbe et battre le cœur de l'écureuil ; et nous succomberions sans doute en surprenant ces bruits d'au delà du silence. Tous tant que nous sommes, même les plus subtils, nous portons dans notre promenade à travers le monde comme un épais matelas sur nos esprits obtus.
Cependant Dorothée pleurait, et, si elle avait dû en expliquer la cause, elle n'eût pu trouver, pour le faire, que des paroles vagues et générales comme les miennes : en donner une explication plus précise et plus directe eût été pour elle aussi difficile qu'il nous le serait de faire une histoire des ombres et des lumières ; car l'avenir réel qui remplaçait pour elle l'avenir imaginaire puisait sa substance même dans les mille petites particularités qui venaient discrètement influencer toutes ses idées sur M. Casaubon et sur ses rapports d'épouse avec lui, les éloignant peu à peu de ce qu'elles avaient été dans son rêve de jeune fille.” source