Nous devons savoir que lorsque nous aurons atteint la réalité, pour l’exprimer, pour la conserver, nous devrons écarter ce qui est différent d’elle et ce que ne cesse de nous apporter la vitesse acquise de l’habitude.
 Marcel Proust, Le Temps retrouvé (1927). copier la citation

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Auteur Marcel Proust
Œuvre Le Temps retrouvé
Thème vitesse réalité
Date 1927
Langue Français
Référence
Note
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Temps_retrouv%C3%A9/Texte_entier

Contexte

“Mais principalement parce que si notre amour n’est pas seulement d’une Gilberte, ce qui nous fit tant souffrir ce n’est pas parce qu’il est aussi l’amour d’une Albertine, mais parce qu’il est une portion de notre âme plus durable que les moi divers qui meurent successivement en nous et qui voudraient égoïstement le retenir, portion de notre âme qui doit, quelque mal, d’ailleurs utile, que cela nous fasse, se détacher des êtres pour que nous en comprenions, et pour en restituer la généralité et donner cet amour, la compréhension de cet amour, à tous, à l’esprit universel et non à telle puis à telle, en lesquelles tel puis tel de ceux que nous avons été successivement voudraient se fondre. Il me fallait donc rendre leur sens aux moindres signes qui m’entouraient (Guermantes, Albertine, Gilberte, Saint-Loup, Balbec, etc.) et auxquels l’habitude l’avait fait perdre pour moi. Nous devons savoir que lorsque nous aurons atteint la réalité, pour l’exprimer, pour la conserver, nous devrons écarter ce qui est différent d’elle et ce que ne cesse de nous apporter la vitesse acquise de l’habitude. Plus que tout j’écarterais donc ces paroles que les lèvres plutôt que l’esprit choisissent, ces paroles pleines d’humour, comme on dit dans la conversation, et qu’après une longue conversation avec les autres on continue à s’adresser facticement et qui nous remplissent l’esprit de mensonges, ces paroles toutes physiques qu’accompagne chez l’écrivain qui s’abaisse à les transcrire le petit sourire, la petite grimace qui altère à tout moment, par exemple, la phrase parlée d’un Sainte-Beuve, tandis que les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l’obscurité et du silence.” source