“ En prodiguant le bien d’autrui, il n’a point à craindre de diminuer son crédit ; il ne peut, au contraire, que l’accroître : c’est la prodigalité de son propre bien qui pourrait seule lui nuire. Enfin la libéralité, plus que toute autre chose, se dévore elle-même ; car, à mesure qu’on l’exerce, on perd la faculté de l’exercer encore : on devient pauvre, méprisé, ou bien rapace et odieux. ”
Nicolas Machiavel, Le Prince (1532). copier la citation
Auteur | Nicolas Machiavel |
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Œuvre | Le Prince |
Thème | autrui |
Date | 1532 |
Langue | Français |
Référence | |
Note | Traduit par Jean-Vincent Périès |
Lien web | https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Prince/Texte_entier |
Contexte
“Pour le prince, en effet, qui va conquérant avec ses armées, vivant de dépouilles, de pillage, de contributions, et usant du bien d’autrui, la libéralité lui est nécessaire car sans elle il ne serait point suivi par ses soldats. Rien ne l’empêche aussi d’être distributeur généreux, ainsi que le furent Cyrus, César et Alexandre, de ce qui n’appartient ni à lui-même ni à ses sujets. En prodiguant le bien d’autrui, il n’a point à craindre de diminuer son crédit ; il ne peut, au contraire, que l’accroître : c’est la prodigalité de son propre bien qui pourrait seule lui nuire.
Enfin la libéralité, plus que toute autre chose, se dévore elle-même ; car, à mesure qu’on l’exerce, on perd la faculté de l’exercer encore : on devient pauvre, méprisé, ou bien rapace et odieux. Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe-le plus aux princes de se préserver. Or la libéralité conduit infailliblement à l’un et à l’autre. Il est donc plus sage de se résoudre à être appelé avare, qualité qui n’attire que du mépris sans haine, que de se mettre, pour éviter ce nom, dans la nécessité d’encourir la qualification de rapace, qui engendre le mépris et la haine tout ensemble.”
source