Dans la plupart des bienfaits que l’on prodigue aux malheureux il y a quelque chose de révoltant, à cause de l’insouciance intellectuelle que le compatissant met à jouer à la destinée
 Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir (1882). copier la citation

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Auteur Friedrich Nietzsche
Œuvre Le Gai Savoir
Thème insouciance bienfaits
Date 1882
Langue Français
Référence
Note Traduit par Henri Albert
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Gai_Savoir/Texte_entier

Contexte

“c’est le propre de l’affection compatissante qu’elle dégage la souffrance étrangère de ce qu’elle a de vraiment personnel : — nos « bienfaiteurs », mieux que nos ennemis, diminuent notre valeur et notre volonté. Dans la plupart des bienfaits que l’on prodigue aux malheureux il y a quelque chose de révoltant, à cause de l’insouciance intellectuelle que le compatissant met à jouer à la destinée : il ne sait rien de toutes les conséquences et de toutes les complications intérieures qui, pour moi, ou bien pour toi s’appellent malheur ! Toute l’économie de mon âme, son équilibre par le « malheur », les nouvelles sources et les besoins nouveaux qui éclatent, les vieilles blessures qui se ferment, les époques entières du passé qui sont refoulées — tout cela, tout ce qui peut être lié au malheur, ne préoccupe pas ce cher compatis­sant, il veut secourir et il ne pense pas qu’il existe une nécessité personnelle du malheur, que, toi et moi, nous avons autant besoin de la frayeur, des privations, de l’appauvrissement, des veilles, des aventures, des risques, des méprises que de leur contraire, et même, pour m’exprimer d’une façon mystique, que le sentier de notre propre ciel traverse toujours la volupté de notre propre enfer.” source