En effet, peu de gens font réflexion qu’on s’applique nécessairement à soi-même ce qu’on a accordé aux douleurs d’autrui, et qu’après avoir nourri l’excès de notre sensibilité par ces maux étrangers, il est bien difficile de la modérer dans les nôtres.
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Auteur Platon
Œuvre La République
Thème sensibilité réflexion
Date
Langue Français
Référence
Note Traduit par Victor Cousin
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/La_R%C3%A9publique_(trad._Cousin)

Contexte

“Si nous considérons que cette partie de notre ame contre laquelle nous nous roidissons dans nos propres malheurs, qui est affamée de pleurs et de lamentations, qui voudrait s’en rassasier, et qui, de sa nature, est portée à les rechercher, est la même que les poètes flattent et s’étudient à satisfaire : que dans ces occasions, cette autre partie de nous-mêmes, qui est la plus excellente, n’étant pas encore assez fortifiée par la raison et par l’habitude, néglige de surveiller la partie pleureuse, alléguant qu’après tout celle-ci est simple spectatrice des malheurs d’autrui, et qu’il n’est pas honteux pour elle de donner des marques d’approbation et de pitié aux larmes qu’un autre, qui se dit homme de bien, verse mal à propos. On compte comme un gain le plaisir que l’on goûte alors, et on ne consentirait pas à s’en priver par la condamnation de tout le poème. En effet, peu de gens font réflexion qu’on s’applique nécessairement à soi-même ce qu’on a accordé aux douleurs d’autrui, et qu’après avoir nourri l’excès de notre sensibilité par ces maux étrangers, il est bien difficile de la modérer dans les nôtres. Cela est certain.
N’en dirons-nous pas autant du ridicule ? Si tu écoutes non-seulement sans aversion, mais avec des éclats de gaîté, soit au théâtre, soit dans les conversations, des bouffonneries que tu rougirais toi-même de dire, il t’arrivera la même chose que pour les émotions pathétiques.” source