Pour comprendre les émotions qu’ils donnent et que d’autres êtres, mêmes plus beaux, ne donnent pas, il faut calculer qu’ils sont non pas immobiles, mais en mouvement, et ajouter à leur personne un signe correspondant à ce qu’en physique est le signe qui signifie vitesse. Si vous dérangez leur journée, ils vous avouent le plaisir qu’ils vous avaient caché
 Marcel Proust, La Prisonnière (1923). copier la citation

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Auteur Marcel Proust
Œuvre La Prisonnière
Thème vitesse plaisir
Date 1923
Langue Français
Référence
Note
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/La_Prisonni%C3%A8re/Texte_entier

Contexte

“Des yeux, par mensonge toujours immobiles et passifs, mais dynamiques, mesurables par les mètres ou kilomètres à franchir pour se trouver au rendez-vous voulu, implacablement voulu, des yeux qui sourient moins encore au plaisir qui les tente qu’ils ne s’auréolent de la tristesse et du découragement qu’il y aura peut-être une difficulté pour aller au rendez-vous. Entre vos mains mêmes, ces êtres-là sont des êtres de fuite. Pour comprendre les émotions qu’ils donnent et que d’autres êtres, mêmes plus beaux, ne donnent pas, il faut calculer qu’ils sont non pas immobiles, mais en mouvement, et ajouter à leur personne un signe correspondant à ce qu’en physique est le signe qui signifie vitesse. Si vous dérangez leur journée, ils vous avouent le plaisir qu’ils vous avaient caché : « Je voulais tant aller goûter à cinq heures avec telle personne que j’aime. » Eh bien, si, six mois après, vous arrivez à connaître la personne en question, vous apprendrez que jamais la jeune fille dont vous aviez dérangé les projets, qui, prise au piège, pour que vous la laissiez libre, vous avait avoué le goûter qu’elle faisait ainsi avec une personne aimée, tous les jours à l’heure où vous ne la voyiez pas, vous apprendrez que cette personne ne l’a jamais reçue, qu’elles n’ont jamais goûté ensemble, et que la jeune fille disait être très prise, par vous, précisément.” source