on ne peut plus résister à embrasser une épaule décolletée qu’on regarde depuis trop longtemps et sur laquelle les lèvres tombent comme le serpent sur l’oiseau, à manger un gâteau d’une dent que la fringale fascine, à se refuser l’étonnement, le trouble, la douleur ou la gaieté qu’on va déchaîner dans une âme par des propos imprévus.
 Marcel Proust, La Prisonnière (1923). copier la citation

ajouter
Auteur Marcel Proust
Œuvre La Prisonnière
Thème gaieté serpents
Date 1923
Langue Français
Référence
Note
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/La_Prisonni%C3%A8re/Texte_entier

Contexte

“Mme Verdurin, du reste, eût-elle, toutes réflexions faites, trouvé qu’il était plus sage d’ajourner les révélations à Morel qu’elle ne l’eût plus pu. Il y a certains désirs, parfois circonscrits à la bouche, qui, une fois qu’on les a laissés grandir, exigent d’être satisfaits, quelles que doivent en être les conséquences ; on ne peut plus résister à embrasser une épaule décolletée qu’on regarde depuis trop longtemps et sur laquelle les lèvres tombent comme le serpent sur l’oiseau, à manger un gâteau d’une dent que la fringale fascine, à se refuser l’étonnement, le trouble, la douleur ou la gaieté qu’on va déchaîner dans une âme par des propos imprévus. Telle, ivre de mélodrame, Mme Verdurin avait enjoint à son mari d’emmener Morel et de parler coûte que coûte au violoniste. Celui-ci avait commencé par déplorer que la reine de Naples fût partie sans qu’il eût pu lui être présenté.” source