Ce qu’il faudrait, c’est suivre la voie inverse, c’est montrer sans fierté qu’on a de bons sentiments, au lieu de s’en cacher si fort. Et ce serait facile si on savait ne jamais haïr, aimer toujours. Car, alors, on serait si heureux de ne dire que les choses qui peuvent rendre heureux les autres, les attendrir, vous en faire aimer !
 Marcel Proust, La Prisonnière (1923). copier la citation

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Auteur Marcel Proust
Œuvre La Prisonnière
Thème fierté voie
Date 1923
Langue Français
Référence
Note
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/La_Prisonni%C3%A8re/Texte_entier

Contexte

“C’est que, dans ces moments brefs, mais inévitables, où l’on déteste quelqu’un qu’on aime — ces moments qui durent parfois toute la vie avec les gens qu’on n’aime pas — on ne veut pas paraître bon pour ne pas être plaint, mais à la fois le plus méchant et le plus heureux possible pour que votre bonheur soit vraiment haïssable et ulcère l’âme de l’ennemi occasionnel ou durable. Devant combien de gens ne me suis-je pas mensongèrement calomnié, rien que pour que mes « succès » leur parussent immoraux et les fissent plus enrager ! Ce qu’il faudrait, c’est suivre la voie inverse, c’est montrer sans fierté qu’on a de bons sentiments, au lieu de s’en cacher si fort. Et ce serait facile si on savait ne jamais haïr, aimer toujours. Car, alors, on serait si heureux de ne dire que les choses qui peuvent rendre heureux les autres, les attendrir, vous en faire aimer ! Certes, j’avais quelques remords d’être aussi irritant à l’égard d’Albertine, et je me disais : « Si je ne l’aimais pas, elle m’aurait plus de gratitude, car je ne serais pas méchant avec elle ; mais non, cela se compenserait, car je serais aussi moins gentil.” source