des femmes récemment encore légères vivent de la pénitence. Des jaloux qui, pour épier celle qu’ils aimaient, retranchaient sur leur sommeil, sur leur repos, sentant que ses désirs à elle, le monde si vaste et si secret, le temps sont plus forts qu’eux, la laissent sortir sans eux, puis voyager, puis se séparent.
 Marcel Proust, La Prisonnière (1923). copier la citation

ajouter
Auteur Marcel Proust
Œuvre La Prisonnière
Thème désir sommeil
Date 1923
Langue Français
Référence
Note
Lien web https://fr.wikisource.org/wiki/La_Prisonni%C3%A8re/Texte_entier

Contexte

“Heureux ceux qui le comprennent assez tôt pour ne pas trop prolonger une lutte inutile, épuisante, enserrée de toutes parts par les limites de l’imagination, et où la jalousie se débat si honteusement que le même homme qui jadis, si seulement les regards de celle qui était toujours à côté de lui se portaient un instant sur un autre, imaginait une intrigue, éprouvait combien de tourments, se résigne plus tard à la laisser sortir seule, quelquefois avec celui qu’il sait son amant, préférant à l’inconnaissable cette torture du moins connue ! C’est une question de rythme à adopter et qu’on suit après par habitude. Des nerveux ne pourraient pas manquer un dîner, qui font ensuite des cures de repos jamais assez longues ; des femmes récemment encore légères vivent de la pénitence. Des jaloux qui, pour épier celle qu’ils aimaient, retranchaient sur leur sommeil, sur leur repos, sentant que ses désirs à elle, le monde si vaste et si secret, le temps sont plus forts qu’eux, la laissent sortir sans eux, puis voyager, puis se séparent. La jalousie finit ainsi faute d’aliments et n’a tant duré qu’à cause d’en avoir réclamé sans cesse. J’étais bien loin de cet état. J’étais maintenant libre de faire, aussi souvent que je voulais, des promenades avec Albertine.” source